J’ai toujours eu à cœur de transmettre. Je crois que c’est ça ma véritable vocation : passeuse de savoirs. En CP déjà, à peine venais-je d’apprendre à lire que je décidais de devenir « maîtresse de CP pour offrir à tous les enfants du monde la joie de savoir lire ! ». J’ai continué dans cet esprit-là. Je suis devenue enseignante, j’ai voyagé, et je n’ai jamais cessé de lire. Lire et apprendre, apprendre, apprendre, d’abord sur le monde dans lequel je naviguais et puis, plus tard, sur le monde à l’intérieur de moi. Et toujours, je souhaitais transmettre ce que j’avais appris, le diffuser au plus grand nombre. Non pas comme parole d’Évangile ou par volonté de prosélytisme, mais parce qu’il me semblait essentiel que les connaissances se partagent, se diffusent, se répandent. Et que chacun les fasse sienne, que chacun les refonde pour en faire sa vérité à lui, pétrie et remodelée de manière qu’elle lui semble juste. Lorsque j’ai découvert le vaste monde de l’intelligence émotionnelle et de la psychologie des émotions, ce désir de transmission s’est révélé plus fort que jamais : nous sommes des êtres éminemment émotionnels, de pures créatures de désirs, de peurs et d’amour. Nos émotions impactent notre santé physique et notre développement cérébral et cognitif. La bienveillance que nous aurons ou non reçue dans l’enfance impactera énormément notre capacité à apprendre, à témoigner de l’empathie ou à parvenir à l’aisance relationnelle.
Comment alors ne pouvais-je pas trouver passionnante la Communication Non-Violente, qui nous offre l’outil puissant de la reconnexion à nos besoins profonds pour aider à l’émergence d’un monde plus coopératif dans lequel chacun, nourri dans ses besoins et ses aspirations, a alors suffisamment d’espace intérieur pour aider son voisin à nourrir les siens ? Comment pouvais-je ne pas souhaiter développer mes compétences émotionnelles, elles qui sont la clé à ma joie et à ma sérénité, dans tout rapport à l’autre et dans mon rapport à moi ? Et comment pouvais-je ne pas rêver d’aider les autres à appréhender ces clés, si belles, si simples, ces clés d’une rencontre avec soi-même ? On parle tellement de « développement personnel » aujourd’hui que le mot en devient terne ou abêtissant, vite assimilé à des coachs sourire Bright qui vont vous apprendre le bonheur. Ce n’est pas mon propos (et j’aime par-dessous tout cette citation : « Je ne suis pas venue t’enseigner. Je suis venue t’aimer. L’amour t’enseignera »). Par développement personnel, j’entends une meilleure compréhension de soi et une acceptation sereine à se laisser traverser par la vie sous toutes ses formes, à se laisser être l’expression de la vie qui se danse en nous, tantôt valse lente, tantôt tango passionné ou rock’n’roll vertigineux…
Moi, j’aurais simplement aimé qu’on m’enseigne toutes ces choses dans l’enfance, j’aurais aimé qu’on m’explique comment fonctionne ma sensibilité, qui sont les acteurs de ce dialogue intérieur qui se rejoue en moi au quotidien, comment ça fait dans mon cœur et dans mon corps quand je suis déçue ou angoissée. Comment je le libère. Comment je le laisse vivre. Sans violence pour moi ni pour les autres. Et comment j'opère la connexion de la tête au cœur, comment j'aide le cœur à infuser doucement en lui toutes ces informations que la tête a emmagasinées et traitées mais qu'elle ne peut pas intégrer totalement sans le concours de son cœur... Et de la même manière que lorsque j’enseignais le français, je ne connaissais pas chaque mot que contient le dictionnaire, ni le subjonctif plus-que-parfait du verbe « moudre », et qu’il m’arrivait de pouvoir faire une faute d’orthographe avant de me relire, désormais que je transmets les compétences émotionnelles, je ne suis pas l’image de la parfaite maîtrise émotionnelle. Je continue d’être parfois traversée par de petites tempêtes et de faire une faute avant de me relire, c’est-à-dire de prendre du recul et de retrouver cet espace de conscience de soi plus vaste depuis lequel je peux repérer et corriger la faute énoncée. C’est ce qui me rend vivante. C’est ce qui me rend « bonne prof » et bonne accompagnante en séance individuelle. C’est ce que nous partageons tous : notre humanité, nos émotions et notre désir de mieux nous comprendre et de mieux nous vivre.
Alors, voilà, « passeuse de savoirs » est le mot qui me plaît pour définir mon activité. Et j’ai le cœur qui vibre à l’idée que ces savoirs-ci se diffusent et que mes formations puissent contribuer à l’ensemencement de nombreux jardins intérieurs. Voilà qui nourrirait mon désir de contribuer, mon désir de vivre ma passion et de vivre de ma passion, mais surtout d’évoluer ensemble. D’évoluer non pas comme une version 2.0 de nous-mêmes, plus perfectionnée et plus productive, ni comme une super-entité qui vise le Nirvana de la conscience. Mais d’évoluer, simplement, seulement, et c’est déjà énorme, c’est déjà beau et grand et magique, dans l’amour de nous-même et de l’autre.
Jade Arestan-Mallet
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